الزميتة…. إعادة بصوت حميمي ولقطات من المدينة ليلاً، تحية لأهل الطريقة العيساوية و ناس مكناس.
Reprise intime de “Zemmita” en darija, tournée façon ciné: lanternes, zellige, souffle proche du micro.
An intimate Moroccan Aïssawa-inspired rendition of “Zemmita”: whispered vocals, minimal percussion, night-medina visuals. Respectful tribute to the tradition, arranged and performed in Darija.
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Lecture poétique (approfondie)
1) Arc narratif et symbolique
Le chant dessine une cosmogonie rurale complète : on invoque le Nom (opening sacré), on contracte la terre (naẓir → location), on prépare (mesure la semence, forge l’outil, fabrique la charrue), on achète les bêtes, on se lève tôt, on sort aux champs, puis on se remet à Dieu (tawakkul) en implorant la pluie. Viennent ensuite moisson, dîme (l-ʿaššār), justice sociale (le voleur puni par le fqih), pèlerinage/marche votive vers Zerhoun (pays de Moulay Idriss), et enfin le bouclage par les salawât.
Sur le plan spirituel, c’est la transmutation du grain en douceur (la zemmita/sellou) comme du moi brut en louange : de l’effort à la baraka.
2) Rythme et rhétorique
Anaphore “A lalla…” : refrain d’appel qui ouvre chaque vers comme un coup de bendir. “Lalla” est un vocatif de respect, mais c’est aussi la figure féminine (terre, baraka, ville-Meknès, ou l’Assemblée elle-même) à qui on s’adresse.
Épiphore “(Az-zmmita)” : le mot revient comme une onomatopée sociale, un cri-geste qui cadençe la ronde, lie les strophes et met le corps en mouvement.
Énumération / parataxe : la liste des métiers et étapes (naẓir, raḥba, 7addad, 3wād, khmīs…) trace une cartographie sonore d’un Maroc artisanal où chaque geste est une station d’un rite du travail.
Lexique concret → imaginaire initiatique :
– le naẓir (administrateur, souvent des biens habous) = contrat/engagement ;
– la mesure de la semence = intention réglée ;
– le forgeron/la “sikka” (soc de charrue) = ascèse ;
– le charpentier/la “mḥrāt” (charrue) = outil du sillon → figure de la trace droite (ṣirāṭ du champ) ;
– le khmīs (marché du jeudi), bḥāyem = logistique du vivant ;
– tawakkul, pluie = grâce descendante ;
– l-ʿaššār (dîme) = purification du gain ;
– le voleur / le fqih / la falaqa = rétablissement de l’équilibre ;
– Zerhoun / kharrūb / jilda = pèlerinage, douceur, peau/tambour → la musique elle-même comme fin du cycle.
Phonique : beaucoup de z-m-t (zemmita) → grain percussif (bendir/taʿrija), sifflantes et occlusives du travail (k, t, d) → mimésis sonore de l’outil.
3) Étagement sacré–profane
Le texte fait va-et-vient entre dhikr explicite (salawât) et gestes du quotidien. Mais ici, le profane est sacralisé : mesurer la semence, forger la lame, choisir la peau, payer la dîme—tout est ʿibāda par le faire juste. C’est très aïssawi : l’extase ne fuit pas le monde, elle retourne au monde pour l’ordonner et le réjouir.
4) Ligne par ligne (sens et images)
“A lalla bismillah bdit / 3la n-nbi ṣllit” : seuil rituel. La bismillah plante la graine verbale ; la prière sur le Prophète arrose la scène d’un souffle légitime.
“7bibti… sda9 l-3issawiya / ghraam l-meknassiya” : double amour (bien-aimée & confrérie). Ṣda9 (dot) : on dote la terre/la ville, on scelle l’union.
“nmshiw nnazir / yakri li l-blad” : l’engagement (contrat) avant l’ouvrage ; le champ est reçu en dépôt.
“rr7ba / nkilu z-zer3a” : place du marché, mesure juste : l’intention se dose.
“l-7ddad / ysawb li sikka” : le fer se trempe ; la sikka (soc) est la dent qui ouvre la terre—image de l’ascèse qui fend la glaise du moi.
“l-3wād / ysawb li m7rāt” : le bois donne le corps de l’outil. Fer + bois : noces des éléments.
“nṭla3u l-khmīs / nshriw l-bhāyem” : providence outillée : il faut des bêtes, des coûts, du réel.
“nqūmu bkri / nxrjū l-blad / ntwakkalu ʿla-llah” : triptyque d’une éthique aïssawie : diligence → action → abandon confiant.
Salawât : rhème de légitimation et de joie (le chœur y enfle).
“n7rtha/byddi / nqlebha/byddi” : corps-à-corps avec la terre : consentir à la loi des saisons.
“nṭlbu rbi / y3ṭīna sh-ta / ykml 9ṣdi / ykbar zr3i” : ascension de la prière (pluie → réussite → croissance).
“ndkhlha ddār / nkhrrej l-3aššār” : retour du fruit à la maison et dette du bien (dîme) : le gain est purifié en circulant.
“ysrq li mno / nd3īh l-lfqih / y3ṭīh l-flaqa” : la justice locale répare ; flaqa (falaka) est image crue mais morale communautaire : pas de bénédiction sans droit.
“nmshiw l-Zerhoun / njībū l-kharrūb” : marche vers la montagne-saint ; le caroubier (douceur, énergie, zemmita/sellou).
“l-7ajj Brahim / ykhtar li jlda / jlda wld l-3sl” : la peau choisie (pour harnais ou tambour). La “peau miel” → son doux et force docile : labeur et musique se bouclent.
Doxologie finale : la louange referme le cycle—comme si la zemmita (douceur partagée) était la dernière note de la hadra.