« ORADOUR EN ALGÉRIE » : Aphatie remet-il en question la comparaison ?

Jean-Michel Aphatie n’a pas inauguré le parallèle Oradour - Algérie. « Les Français doivent savoir qu'ils n'ont plus tout à fait le droit de condamner dans les mêmes termes qu'il y a dix ans les destructions d'Oradour » écrivait le fondateur du Monde, H. Beuve-Mery, en 1957, en pleine « bataille » d’Alger. L’antériorité de cette association, qui ne mis pas de carrière en péril il y a 70 ans, interroge surtout quant à la punition réservée à Jean-Michel Aphatie, qui a finalement choisi de quitter RTL. Mais la comparaison est-elle valide ? La plupart des historiens spécialistes ayant réagit… soit lui donnent raison, soit estiment qu’il y a anachronisme mais que la comparaison est opérante. Ainsi l’historien Fabrice Riceputi a écrit sur son compte Bluesky : « De 1830 à 1962, la France a en effet commis des centaines d'Oradour-Sur-Glane. Dans les années 1950 et 1960, nombreux étaient les intellectuels français à assimiler les crimes de l'armée en Algérie à ceux de la Gestapo et des SS durant l'Occupation (Mauriac, Bourdet, etc.). Paul Teitgen [...] a écrit une lettre solennelle au ministre Robert Lacoste indiquant que, secrétaire de la Préfecture d'Alger, il constatait que les paras se comportaient exactement comme les nazis qui l'avaient torturé en 1943 ». L'historien Alain Ruscio a tenu des propos équivalents. La position de Sylvie Thénault est présentée dans la vidéo. À l’opposé du spectre, seul exemple que j’ai pu recenser, l’historien Jacques Frémaux dans une vidéo pour Le Figaro qualifie les propos d’Aphatie de « non-sens historique». Mais il ne parle, dans sa réponse... que de la Guerre d’Algérie. Jamais de la guerre de conquête. Quiproquo ? Astuce réthorique ? Quoi qu’il en soit, en regard des connaissances historiques, les réactions en plateau face aux propos d’Aphatie doivent nous interroger : c'est le régime de vérité qui semble s'effondrer sous nos yeux. Le problème est pourtant là : à chaque fois que la question est abordée, nous nous divisons, nous insultons, parlons mémoire plutôt qu’histoire, et ne la creusons finalement pas. Sommes-nous prêts à dépasser cette période - c’est-à-dire à s’y confronter, objectivement ? Les propos d’Aphatie ont eu le mérite d’apporter une réponse nette à cette question. 📚 BIBLIOGRAPHIE 📜 SOURCES UTILISÉES : SUR LE MASSACRE DE LA TRIBU D’EL-OUFFIA : Annales Algériennes par E. Pellissier de Reynaud (1836, T. 1 de l’édition 1854, pp. 245-249) / Alger sous la domination française par Louis André baron Pichon (1833, p. 131-133) SUR LES ENFUMADES : L'Afrique française, l'empire de Maroc et les déserts de Sahara par P. Christian (1846, pp. 439-446) / Journal « La Démocratie pacifique », n° du 22.07.1845 (BNF) / Débats du 10.06.1846 au à la Chambre des députés retranscrits dans le Moniteur universel, n° 162, pp. 1732-1736 AUTRE : Lettres du maréchal de Saint-Arnaud, 1832-1854. T. 2 (éd. 1858, en ligne sur Gallica) TÉMOIGNAGES DE RAPPELÉS : Des rappelés témoignent, édité par le Comité résistance spirituelle, 1957 / Les crimes de l’armée française, Algérie 1954-1962 (1ere ed. 1975, réed. 2014), La Découverte. 📙MONOGRAPHIES : Colette ZYTNICKI, La conquête : Comment les Français ont pris possession de l’Algérie 1830-1848, Tallandier, 2022 J.-P. PEYROULOU, O. S. TENGOUR, A. BOUCHÈNE, Sylvie THÉNAULT (dir.), Histoire de l'Algérie à la période coloniale, 1830 -1962, La Découverte, 2014 Sylvie THÉNAULT, Histoire de la guerre d’indépendance algérienne, Flammarion, 2012 Pierre DARMON, Un siècle de passions algériennes : Histoire de l’Algérie coloniale (1830-1940), Fayard, 2009